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Industrie laitière Le grand remue-ménage

Les restructurations dans la filière laitière s'accélèrent ces derniers temps. Le paysage industriel qui se dessine offira-t-il un débouché aux 23 milliards de litres de lait français ?

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Le feuilleton de la reprise d'Entremont Alliance par Sodiaal touche à sa fin. Le groupe coopératif a annoncé, le 4 juin 2010, que « les actionnaires sont parvenus à un projet d'accord avec Unifem (1) en vue de l'acquisition de 100 % d'Entremont ».

Quelques « détails » sur la restructuration de la dette (350 millions d'euros) restent à régler avant de dévoiler l'opération aux sociétaires.

Sodiaal aura également la lourde tâche de mener à bien la restructuration de la filière de l'emmental, alors que les coopératives de l'Est impliquées sur ce marché sont aussi en difficulté (lire l'encadré).

Cette reprise donne naissance à un groupe coopératif d'envergure, jouant à armes égales avec les privés Lactalis ou Bongrain. En devenant le quatrième opérateur laitier européen, Sodiaal atteint « une taille critique pour affronter les enjeux de la dérégulation » et gagner ,en compétitivité, explique la coopérative.

Ce mouvement de concentration ne fait que commencer. Une vague d'alliances et de rachats avaient déjà eu lieu au milieu des années 2000, surtout de la part des privés. Cette fois, c'est au tour des coopératives, fragilisées par la chute des cours du beurre et de la poudre, de nouer des alliances.

« On est parti dans les grandes manoeuvres, commente Gérard Calbrix, de l'Association française de la transformation laitière. Il ne s'agit plus de rapprochements locaux mais de regroupements à l'échelle nationale. Les transformateurs rassemblent leurs forces, c'est la seule parade pour faire face à la distribution. »

D'autres alliances sont en discussion dans l'Ouest. Le Glac (Poitou-Charentes) et Eurial-Poitouraine, tous deux malmenés par des investissements massifs et la chute des cours des produits industriel, devraient annoncer un accord le 15 juin 2010, lors de l'assemblée générale de l'Association centrale des laiteries coopératives des Charentes et du Poitou. Les petites laiteries indépendantes seront alors amenées à choisir : se rapprocher de cette future structure ou en subir la concurrence. La suite logique serait un regroupement avec Laïta.

En revanche, aucun projet d'envergure ne semble émerger dans le Sud-Ouest. « Le risque de décrochage y est réel, estime Gérard You, de l'Institut de l'élevage. La production de masse ne s'y maintiendra pas. Pour autant, des usines peuvent subsister, dès lors qu'elles valorisent très bien le lait et qu'elles sécurisent leurs approvisionnements, comme le font déjà Danone ou Triballat (Centre). »

Débouché conforté

Ces mouvements dessinent la future France laitière. Elle s'organiserait dans les principaux action, essentiellement le grand Ouest.

Une première voie serait la production de produits industriels et de produits de grande consommation (PGC) destiné au marché national et international.

Une deuxième voie vers la fabrication de valeur ajoutée plutôt tournés vers le marché intérieur.

Enfin, les AOC des massifs montagneux mèneraient leur propre vie. La disparition des quotas , mutileraient leur propre vie. La disparition des quotas devrait exacerber cette  différenciation.

« Ces regroupements sont positifs parka éleveurs, estime Gérard Calbrix. Ils confortent leur avenir car ces futurs grands groupes industriels leur assurent un débouché pérenne. » Du moins pour les producteurs installés dans les bassins qui subsisteront.

« Il existe des régions plus attractives que d'autres pour collecter du lait, justifie-t-il. Les zones en déprise verront à terme le lait disparaître. »

Au niveau du pays, la production se maintiendra. Du moins si la filière fait les bons choix. Pour les transformateurs, se recentrer sur le marché national et européen serait une erreur : la France n'est pas armée pour résister à la concurrence européenne sur les marques de distributeurs et les premiers prix.

Le marché mondial serait le seul moyen d'augmenter les volumes. Les 23 milliards de litres de lait produits en France trouveront donc preneur, mais pas à n'importe quel prix, préviennent les industriels. « Le volume ne veut pas dire grand-chose s'il est déconnecté du marché », souligne Gérard Calbrix.

Contrats de collecte

L'emmental en est l'illustration. « II a plombé tous les industriels qui avaient une part importante de ce fromage dans leur mix-produit, même si la chute des cours des produits industriels a aggravé le problème, constate Michel Roche, directeur du Syndicat interprofessionnel des fromages à pâte pressée cuite. Si le prix français est accroché au prix, allemand, la situation s'améliorera, rapidement. »

La France devrait donc s'aligner sur les pays du nord de l'Europe. Les producteurs ne partageront pas forcément cet avis. Mais pourront-ils encore faire valoir leurs revendications à l'avenir ?

Pour éviter de nouvelles confrontations, mais aussi se débarrasser de la gestion de la collecte, de plus en plus d'industriels envisagent de passer par des contrats de collecte, sous-traitant cette dernière pour se recentrer sur la fabrication.

Mais les faillites récentes du GIE Sud Lait et de l'URCVL, dans le Rhône-Alpes, illustrent la fragilité pour les éleveurs d'un contrat de livraison à durée limitée. Ces deux coopératives paient cher leurs vélléités d'indépendance...

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(1) Actionnaire principal d'Entremont (65 % du capital), lui-même détenu par la CNP du belge Albert Frère.

 

 

Dans l'Est, une restructuration en attente

Le regroupement annoncé entre les Fromageries de l'Ermitage et les Fromageries de Blâmont (union entre la Coopérative laitière de Blâmont et l'Union lorraine des  producteurs de lait depuis juillet 2009) en vue de créer un grand pôle fromager dans l'Est est mis entre parenthèses. Blâmont veut redresser ses comptes avant de revenir à la table des négociations, a expliqué la coopérative, en février, devant ses adhérents.Mais ce projet finira par se concrétiser. Il aboutirait à la création d'un poids lourd industriel, qui tait aujourd'hui défaut dans cette zone allant de la Lorraine et l'Alsace à la Franche-Comté. Le lait et les usines pourtant là. Plusieurs outils industriels ont été modernisés récemment, comme Bulgnéville (Vosges) et Clerval (Doubs). Quelques sites secondaires pourraient faire les frais du rapprochement.

 

 

Sud-Ouest : les solutions des petites entreprises

Le 14 juin 2010, le préfet, les élus et les responsables agricoles du Midi-Pyrénées se réuniront autour de Pierre Fouillade, médiateur détaché par le ministére de l'Agriculture, afin de trouver une solution pour les deux cents exploitations du GIE Sud Lait laissées sur le carreau par le départ de Leche Pascual.  L'industriel espagnol a totalement stoppé sa collecte le 1er mai 2010. Depuis, une quinzaine de producteurs ont été repris par le Glac (Charente-Maritime) et la Fromagerie Baechler (Lot-et-Garonne), pour 5 millions de litres (Ml). Mais les 55 Ml restants partent sur le marché spot à 220 €/t. Pourtant, le Sud-Ouest ne manque pas d'industriels privés et coopératifs. Lactalis, Danone, Bongrain, 3A et Sodiaal y possèdent des outils de transformation. Mais ils ne semblent pas intéressés par ces volumes, bien que la production globale baisse d'année en année. « On en vient à se demander s'ils tiennent vraiment à garder des usines dans la région », s'interroge Jean-Pierre Espeysse, président du GIE Sud Lait.

Il existe cependant des exceptions. Le groupe coopératif 3A a réalisé d'importantes restructurations, recentrant son activité sur les productions à valeur ajoutée, comme les fromages régionaux (Les Fromageries Occitanes), les crèmes glacées (Boncolac) et les yaourts (YéO). Il va en revanche fermer une fromagerie a Saint-Lizier (Ariège) qui ne serait plus aux normes et souffrirait de la concurrence de la toute nouvelle fromagerie de Cazalas, ouverte en février à Cescau (Ariège). Celle-ci traite 6,5 Ml livrés par 21 anciens producteurs de Sodiaal. « Nous leur avons proposé une meilleure valorisation, précise Sylvie Domenc, présidente de la structure. Le bonus peut atteindre 55 €/1.000 litres pour le lait d'excullente qualité. »

Autre exempte, la laiterie Onetik, a Macaye (Pyrénées-Atlantiques), a lancé en 2003 différents laits régionaux (Basquilait, Béarn Lait, Lait du pays cathare, Lait Pyrénées) et un parrainage des producteurs par les hypermarchés régionaux ; 6 Ml de lait devraient être écoulés sous marques régionales en 2010. L'avenir laitier du Sud-Ouest passera-t-il avant tout par les petites entreprises ? (Florence Queval)

 

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